"LES MOZ'EN FOLIE" d'après JEAN TARDIEU ET QUELQUES AUTRES ...
TOUTE UNE HISTOIRE
Au cours d'un même spectacle, quatre comédiens vont jouer quatre théâtres différents, comme une troupe qui s'essaierait à des variations sur son art.
Les quatre pièces de Jean Tardieu qui composent le spectacle sont tirées des recueils "La comédie du langage" et "La comédie de la comédie". Chacune s(attache à un procédé théâtral, qu'elle pousse jusqu'à l'absurde.
QUATRE PETITES HISTOIRES
Plusieurs conversations sont attaquées selon des angles différents dans chque saynète :
"Oswald et Zénaïde" ou les apartés, dans laquelle les personnages, tels des infirmes de la communication, ne s'adressent que des banalités laconiques, mais livrent au public leurs états d'âme en des apartés fiévreux... Au-delà des échanges les plus communs, surgit le sous texte, les mots de la vie intérieure.
"Finissez vos phrases", ou la rencontre amoureuse de Monsieur A et de Madame B, dont le dialogue est constitué de phrases inachevées : les mots "pleins", porteurs de sens, sont tous remplacés par des points de suspension, ce qui laisse au public tout le loisir de les compléter, selon l'intrigue qui lui vient à l'esprit.
Ce texte de théâtre déroute : en effet, à aucun moment les deux personnages ne prononcent des phrases compètes. Ce sont des phrases où on a fait l'économie du verbe ("Lorsque vous me mieux, vous saurez que je toujours là."; "C'est comme si je !"). Les phrases complexes ne sont pas terminées ("Je devine que." ; "Je vous crois, parce que je vous !") On remarque en outre un grand nombre d'interjections, d'exclamations, d'interrogations, d'expressions "toutes faites" qui permettent de garder le contact avec l'allocutaire et qui renvoient directement aux usages et tics de langage.
Toutefois, malgré l'apparence, il ne s'agit pas d'une suite incohérente et désordonnée de mots et de phrases.
Le spectateur est à même de donner du sens à l'ensemble. Le jeu sur l'implicite, sur le non-dit est poussé à l'extrême limite.
"Eux seuls le savent" ou les mystères du drame bourgeois : sans que l'on sache leurs réactions, les personnages se disputent, s'aiment et se déchirent avec une grande conviction, au milieu d'un drame dont les mobiles et le sens échappent totalement à notre compréhension.
Jean Tardieu met en scène un conflit dramatique dont les détails demeurent un mystère total. Le titre indique bien de quoi il s'agit : un théâtre sans intrigue, ou plutôt dont l'intrigue n'est connue que des seuls protagonistes, et pas du public.
Mais n'est-ce pas le lot de bien des feuilletons "fleuves" que l'on trouve sur nos petits écrans aujourd'hui ?
"Un mot pour un autre" : Tardieu réussit l'exploit de rendre cohérente une saynète où quasi l'ensemble des substantifs sont remplacés par d 'autres n'ayant a priori rien à voir avec le commun usage ... et pourtant on comprend tout, ce qui en dit long sur le mythe du "mot juste".
Le mari, la femme, la maîtresse ... Situation vaudevillesque classique ! En est-on si sûr ? Surtout quand une drôle de maladie atteint les personnages qui dialoguent avec naturel en utilisant un mot pour un autre ? Oui, ce serait une sorte de boulevard fin dans lequel les mots prennent le dessus sur la situation des personnages renforçant la situation burlesque initiale par un assemblage cocasse et déraisonnable des mots.
UN SPECTACLE BURLESQUE, POETIQUE ET MUSICAL
En regroupant ces quatre pièces autour du thème du théâtre, et en les reliant entre elles par des poèmes (Tardieu) et des chansons empruntées à La rue Kétanou, Gainsbourg, B. Lapointe, B. Vian, l'envie était aussi d'en faire une spectacle ayant une unité, un style, une personnalité, et non pas une simple suite de pièces, un "florilège Jean Tardieu" dont l'auteur serait le seul lien.
Les comédiens s' essaient à quelques pas de danse, convoquant polka, tango et lambeth walk.
Le décor est une création originale : une longue table sur tréteaux, point de départ et de retour, espace de non jeu, mais pas seulement, puisque des interactions existent entre les comédiens jouant leur scène et ceux qui y assistent, crant ainsi des situations fantaisistes, déjantées.
Complétant le dispositif, une table, deux chaises, coin rencontre modulable aux éléments de décor évolutifs; deux portants font office de coulisses et rendent possible l'absence de coupure entre les scènes puisque les changements se font à vue, et prennent l'allure de ballets "à la Chaplin".
En effet les intermèdes empruntent à "La ruée vers l'or" son thème musical; ce dernier fait également office de lien.
Les chansons jouent elles aussi avec les mots, discrets éléments annonciateurs de la pièce qui suit.
Quant aux costumes minimalistes, ils renoncent à la débauche de tissus : des éléments de couleurs récurrents (gilets, chapeaux...) viennent s'ajouter, pour chaque pièce, aux bases noires et neutre des comédiens.
LE MOT DE LA FIN
Jean Tardieu s'est amusé dans ses comédies à démonter les rouages du théâtre. il arrive ainsi à créer des pièces où les situations sont surréalistes et irrésistibles de drôlerie. Son oeuvre théâtrale montre que tout est possible sur scène, jusqu'à réinventer le langage.
"Dés mon enfance, j'ai été intéressé par les mots, les calembours, les jeux de mots. [...] Ca a toujours été un besoin de rire avec les mots [...]"
(Entretien avec laurent Flieder, juillet 1983)
Ouverture : "Les mots" (La Rue Kétanou)
J. Tardieu : "Oswald et Zénaïde".
Gainsbourg : "Exercice en forme de Z".
J. Tardieu : "Finissez vos phrases."
"J'suis snob" B. Vian
J. Tardieu : "Eux seuls le savent".
B. Lapointe : "Ta katie t'a quitté".
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